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la pomme de ma canne et me demanda sans l’ombre d’un remords si je ne pourrais pas lui prêter un ou deux louis. Je lui répondis que je n’avais malheureusement plus rien sur moi, mais que je me ferais un plaisir de les lui envoyer. Il me donna son adresse ; mais c’était un tel mélange de grilles, de tombes, de croix et de caveaux que je l’ai totalement oubliée. Là-dessus, il fit une tentative sur la pendule ; mais tout de même la pendule était trop lourde pour lui. Lorsqu’il me fit part ensuite de son désir de s’en aller par la cheminée, je fus si heureux de le voir revenir à de vraies manières de squelette que je ne fis pas un mouvement pour le retenir. Je l’entendis gigoter et grimper par le tuyau avec une joyeuse tranquillité ; seulement on mit sur ma note la quantité de suie que Tom Bobbins avait consommée dans son passage.

Je suis dégoûté de la société des squelettes. Ils ont quelque chose d’humain qui me répugne profondément. La prochaine fois que Tom Bobbins arrivera, j’aurai bu mon grog ; je n’aurai pas un sou vaillant ; j’éteindrai ma bougie et le feu. Peut-être reviendra-t-il aux véritables mœurs des fantômes, en secouant ses chaînes et en hurlant des imprécations sataniques. Alors nous verrons.