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APRIORITÉ DE LA NOTION DE CAUSALITÉ

spéciales, — lumière, son, arome ; — mais elle n’en reste pas moins une simple sensation, aussi bien que toutes celles qui se produisent dans l’intérieur de notre corps, et par suite elle demeure quelque chose d’essentiellement subjectif, dont les changements ne parviennent directement à la connaissance que par la forme du sens intime, donc du temps seulement, c’est-à-dire successivement. Ce n’est que quand l’entendement, — fonction propre non pas à des extrémités ténues et isolées, mais à ce cerveau bâti avec tant d’art et si énigmatiquement, qui pèse trois et exceptionnellement jusqu’à cinq livres, — c’est quand cet entendement entre en activité et vient appliquer sa seule et unique forme, la loi de la causalité, c’est alors seulement qu’il se produit une immense modification par la transformation de la sensation subjective en perception objective. C’est l’entendement en effet qui, en vertu de la forme qui lui est spécialement propre, à priori par conséquent, c’est-à-dire avant toute expérience (car l’expérience était impossible jusqu’à ce moment-là), c’est lui qui conçoit la sensation corporelle donnée comme un effet (c’est là un mot que lui seul comprend) ; cet effet, comme tel, doit nécessairement avoir une cause. En même temps, il appelle à son aide la forme du sens externe, l’espace, forme qui réside également prédisposée dans l’intellect, c’est-à-dire dans le cerveau, pour placer cette cause en dehors de l’organisme ; car c’est ainsi que naît pour lui le « dehors », dont la possibilité est précisément l’espace, de façon que c’est l’intuition pure qui doit fournir la base de la perception empirique. Dans le cours de cette