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qu’avec l’avarice. Cette fureur s’observe le plus distinctement dans les Français, chez lesquels elle règne endémiquement et se manifeste souvent par l’ambition la plus sotte, par la vanité nationale la plus ridicule et la fanfaronnade la plus éhontée ; mais leurs prétentions s’annulent par là même, car elles les livrent à la risée des autres nations et ont fait un sobriquet du nom de grande nation[1].

Pour expliquer plus clairement tout ce que nous avons exposé jusqu’ici sur la démence qu’il y a à se préoccuper démesurément de l’opinion d’autrui, je veux rapporter un exemple bien frappant de cette folie enracinée dans la nature humaine ; cet exemple est favorisé d’un effet de lumière résultant de la rencontre de circonstances propices et d’un caractère approprié ; cela nous permettra de bien évaluer la force de ce bizarre moteur des actions humaines. C’est le passage suivant du rapport détaillé publié par le Times du 31 mars 1846, sur l’exécution récente du nommé Thomas Wix, un ouvrier qui avait assassiné son patron par vengeance : « Dans la matinée du jour fixé pour l’exécution, le révérend chapelain de la prison se rendit auprès de lui. Mais Wix, quoique très calme, n’écoutait pas ses exhortations ; sa seule préoccupation était de réussir à montrer un courage extrême en présence de la foule qui allait assister à sa honteuse fin. Et il y est parvenu. Arrivé dans le préau qu’il avait à traverser pour atteindre le gibet élevé tout contre la

  1. En français, dans l’original.