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veux pas anticiper sur le lecteur pour la solution définitive de cette controverse, d’autant plus que Sophocle même a émis là-dessus deux jugements diamétralement opposés :

Πολλω το φρονειν ευδαιμονιας υπαρχει.

(Le savoir est de beaucoup la portion la plus considérable du bonheur.) — (Antig., 1328.)

Une autre fois, il dit :

Εν τω φρονειν γαρ μηδεν ηδιστος βιος.

(La vie du sage n’est pas la plus agréable). — (Ajax, 550.)

Les philosophes de l’Ancien Testament ne s’entendent pas davantage entre eux ; Jésus, fils de Sirah, a dit :

Του γαρμωρου υπερ θανατου ζων πονηρχ.

(La vie du fou est pire que la mort), (22, 12).

L’Ecclésiaste au contraire (1, 18) :

Ο προστιθεις γνωσιν, προσθησει αλγημα.

(Où il y beaucoup de sagesse, il y a beaucoup de douleurs.)

En attendant, je tiens à mentionner ici que ce que l’on désigne plus particulièrement par un mot exclusivement propre à la langue allemande, celui de Philister (bourgeois, épicier, philistin), c’est précisément l’homme qui, par suite de la mesure étroite et strictement suffisante de ses forces intellectuelles, n’a pas de besoins spirituels : cette expression appartient à la vie d’étudiants et a été employée plus tard dans une acception plus élevée, mais