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Tant qu’il n’y a encore que du doute sur l’issue d’une chose dangereuse, tant qu’il reste une possibilité pour que le résultat soit favorable, ne faiblissez pas, ne songez qu’à la résistance ; de même qu’il ne faut pas désespérer du beau temps, aussi longtemps qu’il reste encore au ciel un petit coin bleu. Il faut même en arriver à pouvoir dire :

Si fractus illabatur orbis
Impavidum ferient ruinæ.

(Si le monde s’écroulait brisé, ses ruines le frapperaient sans l’effrayer.)

Ni l’existence tout entière, ni à plus forte raison ses biens, ne méritent en définitive tant de lâche terreur et tant d’angoisses :

_________Quocirca vivite fortes,
Fortiaque adversis opponite pectora rebus.

(C’est pourquoi vivez vertueux et opposez un cœur ferme à l’adversité).

Cependant un excès est possible : le courage peut dégénérer en témérité. Pourtant la poltronnerie, dans une certaine mesure, est même nécessaire à la conservation de notre existence sur la terre ; la lâcheté n’est que l’excès de cette mesure. C’est ce que Bacon de Verulam a si bien exposé dans son explication étymologique du terror Panicus, explication qui laisse loin derrière elle celle qui nous a été conservée, due à Plutarque (De Iside et Osir., ch. 14). Bacon la fait dériver de Pan, personnifiant la nature ; puis il ajoute : « La nature a mis le