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est entièrement soumis au service de la volonté dont il ne peut s’affranchir un seul moment.

Cette pitoyable subjectivité des hommes, qui les fait tout rapporter à eux et revenir, de tout point de départ, immédiatement et en droite ligne vers leur personne, est surabondamment prouvée par l’astrologie, qui rapporte la marche des grands corps de l’univers au chétif moi et qui trouve une corrélation entre les comètes au ciel et les querelles et les gueuseries sur la terre. Mais cela s’est toujours passé ainsi, même dans les temps les plus reculés (voir par exemple Stobée. Eclog., l. I, ch. 22, 9, p. 478).

27° Il ne faut pas désespérer à chaque absurdité qui se dit en public ou dans la société, qui s’imprime dans les livres et qui est bien accueillie ou du moins n’est pas réfutée ; il ne faut pas croire non plus que cela restera acquis à jamais. Sachons, pour notre consolation, que plus tard et insensiblement la chose sera ruminée, élucidée, méditée, pesée, discutée et le plus souvent jugée justement à la fin, en sorte que, après un laps de temps variable en raison de la difficulté de la matière, presque tout le monde finira par comprendre ce que l’esprit lucide avait vu de prime abord. Il est certain que dans l’entre-temps il faut prendre patience. Car un homme d’un jugement juste parmi des gens qui sont dans l’erreur ressemble à celui dont la montre va juste dans une ville dont toutes les horloges sont mal réglées. Lui seul sait l’heure exacte, mais à quoi bon ? Tout le monde se règle sur les horloges publiques qui indiquent une heure fausse, ceux-là même