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Pour s’endurcir, il faut, tant qu’on est en bonne santé, soumettre le corps dans son ensemble, comme dans chacune de ses parties, à beaucoup d’effort et de fatigue, et s’habituer à résister à tout ce qui peut l’affecter, quelque rudement que ce soit. Dès qu’il se manifeste, au contraire, un état morbide soit du tout, soit d’une partie, on devra recourir immédiatement au procédé contraire, c’est-à-dire ménager et soigner de toute façon le corps ou sa partie malade : car ce qui est souffrant et affaibli n’est pas susceptible d’endurcissement.

Les muscles se fortifient ; les nerfs, au contraire, s’affaiblissent par un fort usage. Il convient donc d’exercer les premiers par tous les efforts convenables et d’épargner au contraire tout effort aux seconds ; par conséquent, gardons nos yeux contre toute lumière trop vive, surtout quand elle est réfléchie, contre tout effort pendant le demi-jour, contre la fatigue de regarder longtemps de trop petits objets ; préservons nos oreilles également des bruits trop forts, mais surtout évitons à notre cerveau toute contention forcée, trop soutenue ou intempestive ; conséquemment, il faut le laisser reposer pendant la digestion, car à ce moment cette même force vitale qui, dans le cerveau, forme les pensées, travaille de tous ses efforts dans l’estomac et les intestins, à préparer le chyme et le chyle ; il doit également reposer pendant et après un travail musculaire considérable. Car, pour les nerfs moteurs, comme pour les nerfs sensitifs, les choses se passent de la même manière, et, de même que la douleur ressentie dans un membre lésé a son véritable siège dans le cerveau, de