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Les différences de la première catégorie dont nous avons à nous occuper sont celles que la nature elle-même a établies entre les hommes ; d’où l’on peut déjà inférer que leur influence sur le bonheur ou le malheur sera plus essentielle et plus pénétrante que celle des différences provenant des règles humaines et que nous avons mentionnées sous les deux rubriques suivantes. Les vrais avantages personnels, tels qu’un grand esprit ou un grand cœur, sont par rapport à tous les avantages du rang, de la naissance, même royale, de la richesse et autres, ce que les rois véritables sont aux rois de théâtre. Déjà Métrodore, le premier élève d’Épicure, avait intitulé un chapitre : Περι του μειζονα ειναι την παρ’ημας αιτιαν προς ενδαιμονιαν της εχ των πραγματων (Les causes qui viennent de nous contribuent plus au bonheur que celles qui naissent des choses. — Cf. Clément d’Alex., Strom., II, 21, p. 362 dans l’édition de Wurtzbourg des Opp. polem.)

Et, sans contredit, pour le bien-être de l’individu, même pour toute sa manière d’être, le principal est évidemment ce qui se trouve ou se produit en lui. C’est là, en effet, que réside immédiatement son bien-être ou son malaise ; c’est sous cette forme, en définitive, que se manifeste tout d’abord le résultat de sa sensibilité, de sa volonté et de sa pensée ; tout ce qui se trouve en dehors n’a qu’une influence indirecte. Aussi les mêmes circonstances, les mêmes événements extérieurs, affectent-ils chaque individu tout différemment, et, quoique placés dans un même milieu, chacun vit dans un monde différent.