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national. C’est l’honneur de tout un peuple considéré comme membre de la communauté des peuples. Cette communauté ne reconnaissant d’autre forum que celui de la force, et chaque membre ayant par conséquent à sauvegarder soi-même ses droits, l’honneur d’une nation ne consiste pas seulement dans l’opinion bien établie qu’elle mérite confiance (le crédit), mais encore qu’elle est assez forte pour qu’on la craigne ; aussi une nation ne doit-elle laisser impunie aucune atteinte à ses droits. L’honneur national combine donc le point d’honneur bourgeois avec celui de l’honneur chevaleresque.


IV. — La gloire.

Dans ce qu’on représente, il nous reste à examiner en dernier lieu la gloire. Honneur et gloire sont jumeaux, mais à la façon des Dioscures dont l’un, Pollux, était immortel, et dont l’autre, Castor, était mortel : l’honneur est le frère mortel de l’immortelle gloire. Il est évident que ceci ne doit s’entendre que de la gloire la plus haute, de la gloire vraie et de bon aloi, car il y a certes maintes espèces éphémères de gloire. En outre, l’honneur ne s’applique qu’à des qualités que le monde exige de tous ceux qui se trouvent dans des conditions pareilles, la gloire qu’à des qualités qu’on ne peut exiger de personne ; l’honneur ne se rapporte qu’à des mérites que chacun peut s’attribuer publiquement, la gloire qu’à des mérites que nul ne peut s’attribuer soi-même. Pendant que l’honneur ne va pas au delà des limites où nous sommes personnellement connus,