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pour la même raison a quelque chose de tellement révoltant que l’on sort du spectacle, tout à fait mal disposé. En revanche, et en dépit de l’honneur sexuel, on ne peut s’empêcher de sympathiser avec la Clärchen dans Egmont. Cette façon de pousser à l’extrême le principe de l’honneur féminin appartient, comme tant d’autres, à l’oubli de la fin pour les moyens ; on attribue à l’honneur sexuel, par de telles exagérations, une valeur absolue, alors que, plus que tout autre honneur, il n’en a qu’une relative ; on est même porté à dire qu’elle est purement conventionnelle quand on lit Thomasius, « De concubinatu » ; on y voit que, jusqu’à la réformation de Luther, dans presque tous les pays et de tout temps, le concubinage a été un état permis et reconnu par la loi, et où la concubine ne cessait pas d’être honorable : sans parler de la Mylitta de Babylone (voy. Hérodote, I, 199), etc. Il est aussi telles convenances sociales qui rendent impossible la formalité extérieure du mariage, surtout dans les pays catholiques où le divorce n’existe pas ; mais, dans tous les pays, cet obstacle existe pour les souverains ; à mon avis cependant, entretenir une maîtresse est, de leur part, une action bien plus morale qu’un mariage morganatique ; les enfants issus de semblables unions peuvent élever des prétentions dans le cas où la descendance légitime viendrait à s’éteindre, d’où résulte la possibilité, bien que très éloignée, d’une guerre civile. Au surplus, le mariage morganatique, c’est-à-dire conclu en dépit de toutes les convenances extérieures, est, en définitive, une concession faite aux femmes et aux prêtres, deux classes auxquelles il faut se garder, autant