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Müllenhoff[1] du plus important ouvrage géographique ancien que nous ayons, ne fait guère que répéter Mégasthène et les très maigres renseignements d’Onésicrite et de Néarque[2]. Cependant il a une idée à lui sur la signification du système quand il signale une institution analogue chez les Ibères[3]. Les quatre classes dudit peuple caucasien constituaient, selon lui, un régime essentiellement social, et, par extension, politique. Cette remarque est que « les biens sont, dans chaque famille, une propriété commune ; mais l’ainé commande et il dispose des richesses[4]. » De là, pour Strabon, la conséquence que le roi, l’aîné politique, possède le pouvoir souverain chez les Ibères sur les prêtres aussi bien que sur les guerriers, les laboureurs et le commun du peuple. La classe dont sort le roi est la première, πρῶτον, tout comme on le voyait encore au temps de Strabon, chez les Égyptiens. Rien ne paraît d’ailleurs plus naturel et plus logique. Néanmoins, dans l’Inde, où la nature et la logique ont des procédés spéciaux, la première classe, si forte que fût toujours son influence en politique, n’est pas parvenue à se faire prévaloir royalement ; dans tous les temps un Viçvâmitra, c’est-à-dire un kshatriya, un Candragupta, d’extraction çûdraïque[5] ont su faire que leur pouvoir dominât celui des prêtres, et réduire un Vasishtha, un brâhmane, le soi-disant seigneur de tous les êtres[6], à se contenter d’être traités avec respect et avec douceur, kshamânvitah[7].

J’arrive à Diodore. Ce chercheur infatigable et qui n’est pas toujours un compilateur seulement, suit en général sur les castes les données de Strabon[8]. Sur les brâhmanes toutefois, il a des renseignements particuliers quand il dit : « Exempts de toute charge publique, les philosophes ne sont les maîtres, les esclaves de personne, οὔθ’ ὑφ’ ἑτέρων δεσπόζονται. » En effet, l’exemption dont le brâhmane jouit même quant à l’impôt, kara, est si complète que le roi ne doit pas le recevoir de lui, même lorsqu’il meurt de besoin : mriyamâno’py adadita na râjâ çrotriyât karam[9]. Toutefois, ce privilège-là n’est dévolu qu’au brâhmane qui

  1. Dans son ouvrage : Deutsche Alterthumskunde, notamment p. 314 sq. Il l’appelle : ein arger Tölpel (!) C’est honteux de pédantisme.
  2. Nearchos, Fragmenta, VII.
  3. Strabonis, Geographica XI, 3, § 6, p. 501.
  4. κοιναὶ δ’εἰσὶν αὐτοῖς αἱ κτήσεις κατὰ συγγένειαν, ἄρχει δὲ καὶ ταμιεύει ἑκάστην ὁ πρεσϐύτατος, (Ibid.)
  5. Suivant la légende brâhmanique, Candragupta était de basse extraction, et s’il faut ajouter foi à ce que dit le Mudrâ Râkshasa, pièce de théâtre que Wilson a traduite sous le titre de The Signet of the Minister (v. Select Specimens of the Theatre of the Hindus, III, Cale. 1827) ledit roi était çûdra. Cela peut s’accorder avec ce que disent de son origine les buddhistes car la race de Çâkya était fort probablement originaire de l’Indus, la patrie des çûdras, (V. Ch. Schoebel, Buddhisme, 1874, p. 162, ch. II).
  6. Jçvarah sarvabhûtânâm. (Mân., I, 99).
  7. Ib. VII, 32. Cf. Yajnav., I, 333 : brâhmaneshu kshami. Cf. Mân. VII, 37.
  8. V. Diodori Sic. Bibliotheca hist., II. 40 sq.
  9. Mânav., VII, 133.