Page:Schiff - Marie de Gournay.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gens de lettres et qu’ils ne font que leur devoir. Elle dit : « Partant je vis, que quelque mesnage que je fisse, il falloit tousjours pour les causes nottées icy dessus, que mon bien tombast en ruïne, si je n’eusse voulu vivre fort vilement. Et la resolution de vivre en telle sorte, estant de tres-difficile digestion aux personnes nourries d’un air honnorable, notamment jeunes gens, qui ne sçavent pas encore, combien le monde et son applaudissement qui suit cest air, sont deux frivoles visions ; je me resoudis de moyenner à mon pouvoir, que mon mesme bien tombant en ceste ruïne quelque année plustost, fust en chemin d’y tomber moins misérablement : cela s’appelle avec espoir de ressource. Je pensay donc, de me faire visiter, par quelque despense honneste et mesnagere ensemble, autant que le necessiteux peut mesnager, et par la visite recognoistre à ceux qui s’approchent des Majestez, afin qu’ils leur peussent tesmoigner, que je meritois dignement le pain de leur main : soit par ma personne, soit pour estre ruinée soubs la consequence de leurs affaires. »

Grâce à ces manœuvres et sans doute aussi grâce à son mérite, Marie de Gournay réussit à avoir sa part des libéralités royales. Si elle répond si vertement aux « parleurs », c’est que « n’ayant espoir de secours en ses besoins que par les roys » elle doit veiller à sa réputation et cultiver la bonne opinion qu’ont d’elle les « gens d’honneur » et les « Majestés ». C’est seulement parce que les mauvaises langues peuvent lui faire perdre les secours du prince qu’elle prend la