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À Bruxelles justement, Marie reçoit la dernière lettre de Lipse, une lettre triste où l’humaniste apparaît tourmenté par le mauvais pli des. affaires publiques[1]. Je ne pense pas, quoiqu’on l’ait dit[2], que Juste Lipse et Mademoiselle de Gournay se soient rencontrés en Belgique. « Glorioleuse » comme elle l’était, celle-ci n’aurait pas manqué de parler longuement de cette entrevue.

À cette époque, Marie de Gournay avait 32 ans. Son autobiographie datée de 1616 arrête sa vie à son retour de Montaigne. Pour qui voudrait en savoir plus long sur sa vie et sur son caractère, elle a, dit-elle, écrit un poème « qu’elle espere de faire imprimer, et lequel bien qu’il soit escrit par elle mesme, ne laissera pas d’estre croyable, car elle a tousjours fait insigne et particulière profession de verité[3]. » Ces vers sont amusants et pittoresques, mais son « Apologie » en prose nous renseigne beaucoup mieux sur sa façon de vivre et de penser. Dans cet écrit adressé à un prélat de ses amis, Marie proteste contre les racontars de ses ennemis. Elle tient beaucoup à avoir des ennemis, au fond elle n’a eu que des moqueurs, des « brocardeurs » qui ne la prenaient pas au sérieux. N’être pas « considérée », voir qu’on se refuse à discuter avec elle et qu’on est poli envers elle parce qu’elle

  1. Justi Lipsii epistolarum selectarum ad Germanos et Gallos centuria singularis, epist. XXVII.
  2. Cf. P. Bonnefon, Montaigne et ses amis (Paris, Colin, 1898), t. II, p. 350.
  3. Cf. Appendice A.