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tirer quelque advantage dessus vous. De moy je tiens pour veritable, que si dans nostre sexe, il y a quelques vertus loüables et dignes d’estre publiées, les hommes en doivent estre les herauts et les trompettes. Il nous suffit que nous ayons le tesmoignage secret de nostre propre conscience, et que chacune de nous s’examine soy-mesme, et face enfin tout ce qu’elle doit faire. »

Il ressort d’une réponse d’Anne-Marie à Mademoiselle de Gournay que celle-ci qui, dans sa dernière édition de l’Égalité, fait un grand éloge de l’érudite fille, lui reprochait de trop s’amuser à l’étude des langues. Mademoiselle de Schurman assure sa vénérable amie qu’elle n’occupe à cet exercice que ses heures de loisir sauf pour « la langue saincte » à cause de l’Ancien Testament.

Le P. Louis Jacob, dans un éloge latin de la savante Hollandaise, éloge traduit en français par Paul Jacob lyonnais, parle de l’estime dont elle jouissait auprès des grands et des lettrés et il cite entre autres témoignages de respect une lettre de Naudé, le célèbre bibliothécaire de Mazarin. Dans cette lettre Naudé raconte l’admiration que Guillaume Colletet professait pour Anne-Marie de Schurman dont il connaissait fort bien et l’œuvre et les mérites. « Je me souviens, dit Naudé en parlant d’une visite qu’il fit à Colletet, que l’ayant rencontré il y a quelque temps dans son agreable jardin, il m’entretint de l’admirable providence de la nature qui a voulu mettre en la place de Marie de Gournay (fort avancee en aage, et sur son declin et en si grande reputation d’esprit et d’eloquence et de doctrine, que mesme elle pouvoit fermer la bouche aux plus sçavans) Anne-Marie comme un rejetton pour soustenir à l’envy de tous les hommes, la gloire de son sexe avec une esgale pointe d’esprit, et peut estre avec autant de gloire et de reputation. Il disoit aussi qu’il estoit bien raisonnable que l’eloge que Juste Lipse Flamand, censeur exact des esprits, avoit fait en faveur de Mademoiselle de Gournay pour se frayer le chemin à une gloire immortelle, fut rendu par quelque François à Marie de Schurman, la plus industrieuse de toutes les filles du Pays bas. »

Comme Marie de Gournay, Anne-Marie de Schurman s’attacha à la gloire et à la doctrine d’un homme et continua après la mort de son maître à vouer un culte à sa mémoire. Mais hélas ! la docte Hollandaise ne rencontra pas un sage comme Montaigne pour la guider à travers la vie. Elle s’attacha à Labadie qui fut