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LA FILLE D’ALLIANCE DE MONTAIGNE
MARIE DE GOURNAY



Marie de Jars[1] de Gournay mourut le 13 juillet 1645, à près de quatre-vingts ans. Elle laissait à ses contemporains le souvenir d’une vieille fille de lettres qui n’avait pas eu de jeunesse et qui n’avait jamais connu la beauté, même cette beauté fugitive et légère dont le diable s’est fait le parrain. Grâce à l’indiscrétion d’une épitaphe, nous pensons qu’elle a dû naître en 1565. Elle-même s’est toujours bien gardée de nous l’apprendre, et son souci de l’exactitude, fort sensible partout ailleurs, est en défaut sur ce point[2]. Même lorsqu’abusée par deux mauvais plaisants qui lui firent croire que le roi d’Angleterre était anxieux

  1. On l’appelle souvent Marie Le Jars, mais elle-même écrit toujours de Jars.
  2. En effet, Marie de Gournay enveloppe à plaisir la date de sa naissance d’un nuage de termes vagues. Son père la laissa « petite orpheline ». Sa mère « luy dura jusques à pres de vingt cinq ans ». « Environ les dix-huict ou dix-neuf ans cette fille leut les Essais », dit-elle en parlant d’elle-même. « Deux ou trois ans » après elle eut la fausse nouvelle de la mort de Montaigne. Le portrait qu’elle a fait mettre en tête de la dernière édition de ses œuvres, publiée en 1641, la représente âgée de trente ans et n’est pas daté. Je pourrais multiplier les exemples.