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DE PISTOLET.

tâche de chaque jour, si vous n’aviez pas sous la main les festons et les astragales de l’art dramatique, et que je serais un malheureux ingrat de venir m’emparer de vos domaines ! Et d’ailleurs, à quoi vous servirait, à vous qui vivez de l’analyse, la plus splendide analyse ? Vous avez une de ces imaginations savantes, c’est-à-dire blasées, qui ne racontent jamais mieux que ce qu’elles n’ont pas vu.

J’arrive donc au théâtre, à pied, car le temps était beau, la rue était propre, le boulevard était tout rempli des plus charmantes promeneuses qui s’en allaient le nez au vent. Le Bouledogue de la porte s’inclina à mon aspect ! La loge s’ouvre avec un empressement plein de respect. Je m’étends nonchalamment dans un fauteuil, la patte droite appuyée sur le velours de la loge, les deux jambes étendues sur un second fauteuil, et dans l’attitude que vous prenez vous-même lorsque vous vous dites tout bas : « Bon ! nous allons en avoir pour cinq heures d’horloge… cinq longs actes ! » Et alors vous froncez le sourcil comme jamais ne l’a froncé un Chien bien élevé.

Pour moi, vous dirai-je toute la vérité, mon cher maître ? cela ne me déplaisait pas de voir les manants des galeries et du parterre pressés, entassés, étouffés, écrasés dans un espace étroit, pendant que moi je me prélassais entre trois murailles tapissées de soie.

J’étais à peine assis depuis dix minutes, lorsque tout à coup l’orchestre fut envahi par les musiciens. Ces musi-