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de lui et les plus antipathiques, l’esprit de l’Évangile et l’esprit d’Aristote !

Toute union mystérieuse entre l’essence divine et la nature humaine étant un blasphème, quelle peut être la relation établie par Jésus entre ces deux termes irréductibles, Dieu d’une part, l’homme de l’autre ? Celle d’un simple message, qui n’altère en rien la pure humanité du messager : « Le Messie, fils de Marie, n’est qu’un apôtre ; d’autres apôtres l’ont précédé. Sa mère était juste. Ils se nourrissaient de mets (c’est-à-dire ils avaient besoin de la même nourriture que les autres mortels). Jésus n’est qu’un serviteur d’Allah comblé de nos faveurs… Les prophètes qui ont précédé Mahomet ne sont que des hommes inspirés ».[1] Du reste le Messie n’a jamais prétendu à autre chose ; il ne saurait être rendu responsable des erreurs de ses devanciers, et même il s’en justifie lorsqu’il dit au Seigneur : « Je ne leur ai dit que ce que tu m’as ordonné de leur dire : Adorez Dieu, mon Seigneur et le vôtre ».[2]

On peut se demander : comment Mahomet concilie-t-il cette négation de toute idée hypostatique, de toute participation de Jésus à la divinité, avec ses notions presque chrétiennes orthodoxes sur le caractère surnaturel des deux extrémités de sa vie, la naissance miraculeuse et l’ascension ? Car enfin peut-il être un simple mortel, celui qui est né en dehors des conditions de la conception humaine, et dont le corps ne se trouve nulle part sur la terre ? L’inconséquence est évidente en effet, au point de vue du raisonnement ordinaire elle est insoutenable ; mais le raisonnement musulman répond que d’autres prophètes, tels

  1. S. V, v. 79 ; S. LXIII, v. 59 ; S. XVI, v. 45.
  2. S. V, v. 117.