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balayeurs ne sont pas surveillés, ils en mettent la moitié dans leurs poches.

Les mines ? De grands trous dans la terre ; où tout est noir, impossible d’y rien comprendre ! — Les ouvriers descendent là dedans, ils se perdent dans toutes les directions, à 300, à 600 mètres de profondeur, allez donc les chercher ; ils y mangent les trois quarts de l’argent avec des femmes ; ils remontent et vous disent que c’est le grisou ! Qu’est-ce qui reste ? C’est pas sérieux, c’est pas un placement.

Non, au fond, je vous demande conseil, c’est pour la forme — parce que j’ai trouvé une excellente affaire ; mais positive ! (Solennel.) C’est l’exploitation des masses pierreuses qui sillonnent, qui jonchent la rive gauche de l’Yénisséi. Qu’est-ce que c’est que ça l’Yénisséi. — L’Yénisséi ? Eh ! mon Dieu, c’est une rivière, un fleuve même, oui. Mais pas un fleuve comme les autres, (vous savez l’eau qui coule tout le temps ?) non, non. C’est comme ça (Une ligne horizontale avec la main.) Ça ne coule pas, ça ne bouge pas, c’est gelé toute l’année ! Et gelé !!! Je le sais bien, j’ai été le voir moi-même, j’ai dépensé 25,000 francs de voyage : je ne regarde pas à dépenser mon argent quand il s’agit de le placer.

J’ai été voir cette rivière étonnante qui ne perd pas une goutte d’eau, — j’ai touché ces masses pierreuses (j’ai même eu deux doigts et le nez gelés.) Figurez-vous des grosses pierres, vous cognez dessus, on sent que c’est solide. C’est énorme, énorme ! Vous voudriez les emporter, c’est impossible — à cause de cette masse immense, et puis d’ailleurs, il n’y a personne dans le pays. Ce seraient des sacs d’argent, on ne les emporterait pas. Il n’y a personne, absolument personne. Tout le pays est complètement blanc sans une habitation. Il y a des ours, mais ils meurent de faim ; — qui manger ? Il n’y a rigoureusement personne ! Songez que ces masses pierreuses resteront là éternellement ! Dans cent ans, dans deux cents ans ! ce sera la même chose, ce