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JEVONS


ce sont l’industrie et le commerce qui engendrent du travail, et tous les intérêts légitimes sont harmoniques. Il y a deux sortes de luxe ; mais l’inégalité est née avec la civilisation ; elle est nécessaire et utile, alors même qu’une grande inégalité deviendrait désastreuse, et, de même, le luxe sert la cause du progrès. La monnaie n’est que l’huile dans la machine éco- nomique. Ce n’est pas le nombre de pièces de monnaie qui forment la richesse et le capital.

Le taux d’intérêt dépend de l’offre et de la demande de capital, et non pas de la quantité de monnaie. La baisse du taux de l’intérêt est caractéristique d’une civilisation développée. L’affluence de l’argent stimule, pour un temps, au moment où se produit l’altération des prix, la production, mais elle n’exerce plus aucune influence, sous ce rap- port, lorsque cette altération est une fois accomplie ; elle empêche alors l’importation par les prix plus élevés. Il comprend parfaitement l’égalisation qui se fait par la balance du commerce, la nécessité et l’utilité de l’afflux et de la sortie de la monnaie, à la différence de Locke, de John Law et de Montesquieu, qui partagent en partie les erreurs mercantilistes populaires. Il n’aime pas le papier-monnaie, quoiqu’il reconnaisse l’avantage qu’il peut y avoir à exporter ses métaux précieux ; et il regarde les emprunts publics comme nuisibles, parce qu’ils sont une trop grande tentation pour les hommes d’État et que les rentes créent une classe de paresseux. Comme taxes, il préfère les taxes sur la consommation et surtout sur le luxe ; il a vu trop d’arbitraire dans la taxation directe ; il est spécialement opposé à la capi- tation et réfute l’impôt unique des physiocrates ; les terres ne payent pas tout l’impôt dont on les charge. Contrairement à Tucicer, il croit qu’un développement considérable de l’industrie et du commerce ne peut durer ;


la richesse généralisée dans le pays rond impossible la continuation de la production à bon marché ; la production s’en ira donc aux pays pauvres ; les sociétés développées tomberont comme celles de l’antiquité, de l’Espagne, des républiques italiennes du XVIIe et du XVIIIe siècle. C’est la même opinion qu’ont partagée Aristote, Machiavel et Roscher, qui regardent les sociétés comme étant aussi des organismes naturels, avec une jeunesse, un âge mûr et une vieillesse, opinion déjà réfutée chez Hume par J.-B. Say.

Pour comprendre tout le mérite et toute l’influence de Hume, il faut se rappeler qu’il a écrit avant les physiocrates. Il est l’ami intime d’Adam Smith ; il se réjouit de son livre, et, d’autre part, il fut le maître de Smith ; Dugald Stewart dit qu’aucun livre n’a été aussi utile à Smith que celui de Hume. Dans la question de la rente, il corrige Smith, en lui expliquant, ce qu’enseigna plus tard si bien Ricardo, que la rente n’est pas la cause, mais l’effet du prix du blé créé par l’offre et la demande.

Après d’anciennes traductions mauvaises des Essais économiques de Hume, telles que celles de Mme Bellot et de la malheureuse Mlle de la Chaux, on en a aujourd’hui de bonnes éditions dans les mélanges d’Economie politique {Colleclion des principaux économistes, 1847), et dans une traduction encore plus récente par Formentin : Œuvres économiques de David Hume, dans la Petite Bibliothèque économique française et étrangère (1888), publiée sous la direction de J. Chailley-Bert, avec une introduction de Léon Say, l’Autobiographie de Hume et une lettre de Adam Smith à Strachan. C’est là enfin une excellente édition de la contribution apportée à la science économique par le grand auteur écossais.

N.-C. F.


JEVONS ’\Villiam Stanley) [1835-18821. — Né à Liverpool, où son père était négociant en fer  ; il étudia les sciences naturelles à l’Lniversité de Londres  ; émigra en 18b8 en Australie, oîi il fut chimiste à la Monnaie de Sidney (18oo-18o8  ; ;retournaen Europe {18o9)  ; fut fellow à l’Université de Londres (1864)  ; professeur de logique et d’économie politi- que à Owens Collège, Manchester, en 1866  ; professeur d’économie politique à l’Univer-


sité de Londres en 1876  ; démissionnaire pour cause de santé, en 1881  ; il se noya en se bai- gnant sur la côte du sud de l’Angleterre, en 1882, à l’âge de quarante-six ans.

M. Jevons excelle par ses idées correctes et exactes sur la science économique. Comme Bastiat, Macleod et beaucoup d’autres des meilleurs économistes, il regarde la théorie de la valeur comme constituant, à elle seule, la pure science. Les lois de la science sont


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