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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

Les routes et les canaux sont des établissemens publics très-dispendieux, même dans les pays où ils sont établis judicieusement et avec économie. Néanmoins il est probable que le service qu’en tire la société excède, dans la plupart des cas, de beaucoup la dépense annuelle qu’ils lui causent. Pour s’en convaincre, il faut se reporter à ce que j’ai dit de la production de valeur due uniquement à l’industrie commerciale, au transport opéré d’un lieu dans un autre[1], et du principe que tout ce qui est épargné sur les frais de production est un profit pour le consommateur[2]. À ce compte, si l’on évalue le transport que coûteraient toutes les marchandises et toutes les denrées qui passent annuellement sur cette route, en supposant qu’elle ne fût pas faite, et si l’on compare l’énorme dépense de tous ces transports avec ce qu’ils coûtent dans l’état actuel, la différence donnera le montant du gain que font les consommateurs de ces denrées et marchandises, gain réel et complet pour la nation[3].

Les canaux procurent un gain encore plus considérable, parce qu’il en résulte une économie encore plus forte[4].

Quant aux édifices publics sans utilité, comme les palais fastueux, les

  1. Liv. I, chap. 9.
  2. Liv. II, chap. 2.
  3. C’est à tort qu’on dirait que si la route n’existait pas, les frais de transport ne seraient pas si énormes qu’on le prétend ici, parce que la plupart de ces transports n’auraient pas lieu, et qu’on se passerait de la chose transportée. Ce n’est pas être riche que de se passer des choses parce qu’on n’en peut pas faire la dépense. Chaque consommateur est infiniment pauvre relativement à un produit qui revient trop cher pour pouvoir être consommé ; et sa richesse croît, par rapport à ce produit, à mesure que la valeur du produit diminue.
  4. À défaut de canaux, il est probable qu’avec le temps on établira des chemins de fer pour communiquer d’une ville à l’autre. Quelque dispendieux qu’en fût le premier établissement, il est probable que l’économie qui en résulterait dans le transport paierait au-delà de l’intérêt des premières avances. Les chemins de fer, indépendamment de la facilité qu’ils offrent au roulage, ont l’avantage de ne point cahoter les voyageurs et les marchandises. Ces vastes entreprises se font dans les pays où de grands capitaux permettent de se livrer à des avances considérables, et où l’administration inspire assez de confiance pour que les entrepreneurs ne redoutent pas d’en perdre le fruit. Les progrès qui auront lieu dans l’art de traiter le fer, en diminuant les frais de production de ce métal, favoriseront l’établissement de chemins de fer et de beaucoup d’autres entreprises.