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agrippine.

Je l’ay perſuadée.

Livilla

Je l’ay perſuadée.Elle feint de le croire,
Pour un temps ſur ſa haine elle endort ſa memoire,
Mais crains-la d’autant plus qu’elle craint de s’ouvrir,
C’eſt pour elle trop peu de se faire mourir ;
Si par ta mort toy-meſme aſſouviſſant ſa rage,
Tu n’en es l’inſtrument, & n’en haſtes l’ouvrage ;
Quoy ! ie t’ay de mon frere immolé iuſqu’au nom !
Sur ſon fameux debris eſlevé ton renom,
Et chaßé, pour complaire à toy ſeul où i’aſpire,
De mon lict & du iour l’heritier de l’Empire !
Je ſemblois un Lyon ſur le Thrône enchaiſné,
Qui t’en gardoit l’abord comme à toy deſtiné.
I’ay fait à ton amour au peril de la tombe,
Des Heros de ma race un funeſte hecatombe,
Et ne prejugeant pas obtenir les ſouhaits
D’un ſi grand criminel, que par de grands forfaits,
On m’a veû promener encor ieune, encor fille,
Le fer & le poiſon par toute ma famille,
Et rompre tous les neuds de mon ſang, de ma foy.
Pour n’eſtre plus liée à perſonne qu’à toy ;
Chaque inſtant de ma vie eſt coupable d’un crime,
Paye au moins tant de ſang du ſang d’une victime,
Ie n’en bruſle de ſoif qu’afin de te ſauver,