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objections.

naturellement à l’esprit, puisque ce phonème existe, puisqu’on le trouve à cette place dans une des langues de la famille, le sanskrit. – Dès lors il y a une forte présomption pour que les nasales aient pu fonctionner de la même manière.

2. Certaines variations du vocalisme au sein d’une même racine, qui s’observent dans plusieurs langues concordamment, s’expliquent par cette hypothèse.

3. L’identité théorique des deux espèces de nasales sonantes – celles qui doivent se produire par la chute d’un a (τατός) et celles qu’on doit attendre de l’adjonction à un thème consonantique d’une désinence commençant par une nasale (ἥαται) – est vérifiée par les faits phonétiques.

4. Du même coup les dites désinences se trouvent ramenées à une unité : il n’est plus nécessaire d’admettre les doublets : -anti, -nti ; -ans, -ns etc.

5. L’idée qu’on avait, que les nasales ont pu dans certains cas être rejetées dès la période proethnique, conduit toujours, si l’on regarde les choses de près, à des conséquences contradictoires. La théorie de la nasale sonante supprime ces difficultés en posant en principe que dans la langue mère aucune nasale n’a été rejetée.

En fait d’objections, on pourrait songer à attaquer la théorie précisément sur ce dernier terrain, et soutenir la possibilité du rejet des nasales en se basant sur le suffixe sanskrit -vaṃs qui fait -uš aux cas très faibles ; le grec -υια = -ušī prouve que cette dernière forme est déjà proethnique. Dans l’hypothèse de la nasale sonante la forme la plus faible n’aurait jamais pu donner que -vas = -wn̥s. Mais il est hautement probable, comme l’a fait voir M. Brugmann K. Z. XXIV 69 seq., que la forme première du suffixe est -was, qu’il n’a été infecté de la nasale aux cas forts que dans le rameau indien de nos langues, et cela par voie d’analogie.[1]

M. Joh. Schmidt, tout en adhérant en général à la théorie de M. Brugmann dans la recension qu’il en a faite Jenaer Literaturz. 1877, p. 735, préférerait remplacer la nasale sonante par une nasale précédée d’une voyelle irrationnelle : āsantaí = ἥαται. Il ajoute : « si

  1. On peut faire valoir entre autres en faveur de celle thèse le mot anaḍ-vah, nomin. anaḍvān qui vient de la racine vah ou de la racine vadh : on n’a jamais connu de nasale à aucune des deux. Puis le mot púmān dont l’instr. puṃsā́ ne s’explique qu’en partant d’un thème pumas sans nasale. Il est vrai que ce dernier point n’est tout à fait incontestable que pour qui admet déjà la nasale sonante.