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nasales sonantes des désinences.

A la 3e pers. du plur. ἔλυσαν, -αν est désinence ; le thème est λυσ, ainsi que le montre M. Brugmann (p. 311 seq.). L’optatif λύσειαν est obscur. Quant à la forme arcadienne ἀποτίνοιαν, rien n’empêche d’y voir la continuation de -n̥t, et c’est au contraire la forme ordinaire τίνοιεν qu’on ne s’explique pas. Elle peut être venue des optatifs en ιη, comme δοίην, 3e pl. δοῖεν.

Parmi les participes, tous ceux de l’aoriste en σ contiennent la nasale sonante : λύσ-αντ. Au présent il faut citer le dor. ἔασσα (Ahrens II 324) et γεκαθά (ἑκοῦσα, Hes.) que M. Mor. Schmidt change à bon droit en γεκᾶσα. Toute remarque sur une de ces deux formes ferait naître à l’instant une légion de questions si épineuses que nous ferons infiniment mieux de nous taire.

Désinence -ns de l’accusatif pluriel. L’arien montre après les thèmes consonantiques : -as : skr. ap-ás, ce qui serait régulier, n’était l’accent qui frappe la désinence et qui fait attendre *-ā́n = *-áns. M. Brugmann a développé au long l’opinion que cette forme de la flexion a subi dans l’arien une perturbation ; que primitivement l’accusatif pluriel a été un cas fort, comme il l’est souvent en zend et presque toujours dans les langues européennes, et que l’accent reposait en conséquence sur la partie thématique du mot. Nous ne pouvons que nous ranger à son avis. – La substitution de l’a à la nasale sonante précède ce bouleversement de l’accusatif pluriel ; de là l’absence de nasale.

Le grec a régulièrement -ας : πόδ-ας, cf. ἵππους. Les formes crétoises comme φοινίκ-ανς ne sont dues qu’à l’analogie de πρειγευτά-νς etc. Brugmann loc. cit., p. 299. – Le lat. -ēs peut descendre en ligne directe de -n̥s, -ens ; l’ombr. nerf = *nerns. – L’acc. got. broþruns est peut-être, malgré son antiquité apparente, formé secondairement sur broþrum, comme le nom. broþrjus. Cf. p. 45.

    n’ont pas, elles aussi, cédé à quelque analogie ? Au parfait, on n’est pas d’accord sur la désinence primitive de la 3e pers. du pluriel. Puis il faudrait être au clair sur l’élision de l’a final des racines, devant les désinences commençant par une sonante : lequel est le plus ancien de τίθε-ντι ou de ǵáhati = ǵah-n̥ti ? Plusieurs indices, dans le grec même, parleraient pour la seconde alternative (ainsi τιθέασι, arcad. ἀπυδόας seraient un vestige de *τιθαντι – ou *τιθατι ? –, *ἀποδας ; la brève de γνούς, ἔγνον s’expliquerait d’une manière analogue). Enfin les formes étonnantes de la 3e p. pl. de la rac. as « être » ne contribuent pas, loin de là, à éclaircir la question, et pour brocher sur le tout, on peut se demander, comme nous le ferons plus loin, si la 3e pers. du plur. indo-européenne n’était pas une forme à syllabe radicale forte, portant le ton sur la racine.