Page:Saussure - Recueil des publications scientifiques 1922.djvu/462

Cette page n’a pas encore été corrigée

TETIHMAI.

(Mémoires de la Société de linguistique, VII, P. 86. — 1892.)

La dernière étymologie est celle de M. Brugmann, qui, comparant cura pour coisa, pose une racine k^eis- « avoir du souci ».

Contre cette hypothèse j'oserai conjecturer que -τιη- reflète le latin qviê- dans qviê-sco, qviê-tus, et que l'idée première de Tetin- juévoç est assez exactement celle de l'allemand eingeschüchtert « rendu silencieux par intimidation », en ajoutant toutefois pour le grec : « (par intimidation) ou par un déplaisir, un froissement quelconque ».

On dira que l'idée de bien-être qui éclate partout dans qviè-sco est éminemment contraire à notre supposition. C'est là certainement l'objection principale. Il n'en est pas moins vrai que qviêtus a donné coi que nous n'employons qu'en parlant d'un silence impliquant quelque situation désagréable.

TeTi'rmai serait donc à l'origine «je me tais, je me tiens coi (par chagrin, par humiliation, par appréhension)», d'où le sens historique «j'ai le cœur serré; je suis abattu». Il est à remarquer que les personnages dits dans Homère T€Tir|)iévoi i^Top (leTinÔTi dufiuj) manifestent leurs sentiments principalement par le silence :

I 30 : brjv h' àv^\u Y\(5av leTinÔTeç uleç 'AxaiuJV. Θ 444 : aï b' oîai Aiôç à^cpiç, 'AOnvain té Kai "Hpr|

naOrjv, oiibé ti \x\v TTpoo"ecpu)veov, oùb' èpéovTO. aùiàp b Iyvuj fjaiv èvi (ppecjî, qpiJbvriffév xe " TÎqpG' ouTUJ TeTÎri(J0ov, 'A0r|vair| le'^Kai '^'Hpn;

Dans ce dernier passage, on est presque tenté de traduire tout directement par « pourquoi si taciturnes ? ... »