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SUR UN POINT DE LA PHONÉTIQUE DES CONSONNES EN INDO-EUROPÉEN.

ainsi que serait mettk-, tandis que met | r-, parallèle à met | k- rentre dans un cadre connu.

Les considérations qui viennent d’être développées font voir dans quel sens assez large et cependant très précis on peut entendre l’équivalence met | ro - mettro. Rien n’empêche les deux groupes de se manifester concurremment dans la prononciation; mais, ne comptant que pour un au sentiment des sujets parlants, ils seront employés indifféremment. Leur fluctuation reste sans intérêt pour l’étymologie. Il est du reste inutile d’insister en présence de l’illustration topique de ces faits qui nous est offerte dans le sanskrit.

Cet idiome ignore les coupes comme a | tra, a | kra, etc. Dès lors on peut prédire, si la théorie est vraie, que akcra (représentant toujours ak | ra) ne s’y distinguera point de akkra. C’est exactement ce qui se produit. Devant liquide, nasale ou semi-consonne, les catégories de la consonne double et de la consonne simple sont absolument confondues en sanskrit. Etant donnés les composés çara-trayam (trois flèches) et çarad-trayam (trois automnes), nous croyons devoir en Europe observer la différence étymologique dans l’orthographe, écrire l’un çaratrayam et le second çarattrayam. Si nous consultons la tradition indigène, nous apprenons qu’il faut écrire :

a. D’après nombre de manuscrits: dans les deux cas çaratra- yam[1]. Aucune occlusive n’est marquée double devant r-w.

b. D’après certains Prātiçakhyas : dans les deux cas çarattra- yam[2]. Aucune occlusive n’est marquée simple devant r-w.

  1. Whitney, Sanskr. Gramm , § 232: « The ordinary usage of the mss. makes no différence between tliose groups in which a plionetic duplication is allowed by the rules given above [voir dans le texte b et c] and those in which the duplication is elymological. As every tv after a vowel may aiso be properly written ttv, so dattv and tattvá may be, and almost invariably are, written as dattvá and tatvá ... So in inflection, we have always, for example, maǵńá, etc., not maǵǵńá, from maǵǵán. Even in composition and sentence-collocation the same abbreviations are made: thus, hdyōtá for hddyōtá; ćhináty asya for ćhinátty asya . Hence it is impossible to détermine by the evidence of written usage whether we should regard ādhvam or āddhvam (from √ās), ádviḍhvam or ádviḍḍhvam (from √dviṣ) as the true form of a second person plural. » Cf. Bènfey, Vollst. Gramm., §§ 11) et 21.
  2. Voir l’ensemble de passages réunis dans l’article de M. Kirste (Mémoires, V, 106), chapitre du varṇakrama. La doctrine du reiloublement obligatoire est appliquée dans quehjuos manuscrits, comme ceux (appartenant au Yaǵur-Vída) que cite Bōhtlingk, Pāṇini1, II, p. 397, où on lit par exemple: sa ttvā = sa tvā (c’est-à-dire phonétiquement sat | tvā = sat | vā), aggnē = agnē, etc.