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SUR UN POINT DE LA PHONÉTIQUE DES CONSONNES EN INDO-EUROPÉEN.


Nous disposons heureusement d’un autre genre d’exemples.

Concurremment à sëzzal qui n’offre rien de remarquable, le vieux haut-allemand possède un mot sëdal (neut.) « 1° siège, trône ; 2° demeure ; 3° lieu oú le soleil se couche ». Ce mot, commun du reste à tous les dialectes germaniques de l’ouest [1], n’est pas emprunté au latin sedile, qui eût donné «setil» et peut-être même «sitil». D’autre part, au sein du vocabulaire allemand, on tenterait vainement, en dépit de la différence des consonnes, de le séparer du verbe sizzen, auquel il se rattache si étroitement par toutes ses significations, et notamment quand il sert 4° de nom d’action comme dans le frison oppsedel «mouvement pour se mettre en selle» ou dans la Confession saxonne: ik iuhu . . . unrehtaro sethlo, unrehtaro stadlo, unrehtaro gango, unrehtoro legaro (de même dans la Confession de Lorsch).

Ainsi il existe un germanique *seþla- d’une racine set-, c’est- à-dire un prégermanique setlo- de la racine sed-. Si cela est accordé, la loi présumée en découle par une conséquence inévitable. La racine de setlo- (sed-) ne possède pas de ténue. Donc la raison de la ténue est dans le suffixe. Si celui-ci n’est autre que -lo, la ténue reste inexpliquée comme devant. Il faut donc que le suffixe soit -tlo. Il y a donc deux dentales (sed-tlo), ce qui ne pouvait tout à l’heure être prouvé pour petro-. Or on constate que ces deux dentales n’ont donné ni groupe à sifflante ni aucun produit autre que celui qui serait issu de se + tlo (ou set + lo).

  1. Vieux saxon sethal (Confession et gloses), anglo-saxon seđel et seld (id = þl). Comme variante toute régulière de séþla- les mêmes dialectes ont naturellement pu connaître aussi *sedla-. Le frison sedel se rapporte-t-il au premier ou au second? C’est ce qu’il est aussi malaisé que peu important de décider. Sedle dans l’Hêliand ne serait pas moins ambigu si, au vers 5713, le correcteur du manuscrit C n’avait ajouté une barre au d. En tout cas, il y a des traces certaines de la forme à consonne sonore. Premièrement dans le texte vieux haut-allemand d’Isidore, outre sedhal on lit trois fois hôh-setli, dont le t ne saurait être pris pour un durcissement d = dh: il n’existe dans Is. que deux exemples assurés d’un tel t, chunt (2, 5) et baltliihho (9, 6), tous deux offrant une consonne avant le t. Il faut donc que -setli représente, non un got. *siþli, mais un got. *sidli, et cela est en effet conforme à la phonétique du texte (cf. guotliih, uuootnissa, etc.). Un autre continuateur de germ. *sedla- se cache, ce nous semble, dans l’anglo-saxon setl. Il se dénonce par la frappante identité de l’expression "sigan tô setle", en parlant du soleil, avec le "sigan te sedle" de l’Hêliand. C’est un des cas où tl est issu de dl; cf. "botl", "spâtl" (Sievers, "Beitr. de Paul et Braune", 5, 529). L’ancien *"sedla"- s’est confondu de la sorte en anglo- saxon avec le mot tout différent *"setla" (got. "sitls", v. h.-a. "sëzszal").