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nasales sonantes des thèmes composés.

Outre la flexion proprement dite, deux opérations grammaticales peuvent faire subir aux suffixes des variations qui engendreront la nasale – ou la liquide – sonante, savoir la composition et la dérivation. Ce sont elles que nous étudierons maintenant.[1]

C’est une loi constante à l’origine, que les suffixes qui expulsent leur a devant certaines désinences prennent aussi cette forme réduite, lorsque le thème auquel ils appartiennent devient le premier membre d’un composé. Brugmann K. Z. XXIV 10. Cf. plus haut p. 19.

Le second membre du composé commence-t-il par une consonne, on verra naître la sonante à la fin du premier. Les langues ariennes sont toujours restées fidèles à cette antique formation :

Cette forme en -a, qui ne se justifie que devant les consonnes, s’est ensuite généralisée de la même manière qu’au nomin.-acc. neutre : on a donc en sanskrit nāmāṅka au lieu de *nāmnaṅka. – açmāsyà de açman « rocher » et āsyà « bouche » est un exemple védique de cette formation secondaire ; c’est aussi le seul qui se trouve dans le dictionnaire du Rig-Véda de Graßmann[2], et l’on a simultanément une quantité de composés dont le premier membre est vŕ̥šan et qui offrent les restes du procédé ancien : vr̥šan composé avec áçva par exemple donne, non pas vr̥šāçva, mais vr̥šaṇaçvá, ce qu’il faut traduire : vr̥šn̥-n-açvá. D’après l’analogie des thèmes en -r (pitrartha de pitar et artha), on attendrait *vr̥šṇaçvá ; et nous retrouvons ici l’alternative formulée plus haut dans stāmn‿api, stāmn̥‿api. Peut-être que dans la composition il faut comme dans la phrase s’en tenir à la seconde formule, et que pitrartha doit en fait d’ancienneté céder le pas à vr̥šaṇaçva.

Dans les composés grecs dont le premier membre est un neutre en -μα, ὀνομα-κλυτός par exemple, on peut avec M. Brugmann (Stud. IX 376) reconnaître un dernier vestige de la formation primitive, à laquelle s’est substitué dans tous les autres cas le type ἀρρεν-ο-γόνος. Cf. p. 34 ἅπαξ et ἁπλόος.

Dérivation. Il va sans dire qu’ici comme partout ailleurs la sonante ne représente qu’un cas particulier d’un phénomène général

  1. Le nombre des liquides sonantes dues à la même origine étant très minime, nous n’avons fait qu’effleurer ce sujet à la page 19.
  2. Ajouter cependant les composés des noms de nombre, tels que saptā́çva, dáçāritra. Leur cas est un peu différent.