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398 LES ORIGINES INDO-KUROPBENNES OU LES ARYAS PRIMITIFS.

dans son unité de peuple, précisément par la puissance de l'empreinte marquée au front de toutes les langues de la fi mille et dont chaque année apporte des preuves plus éclatantes.

On sait que Pictet place ce peuple dans la Bactriane; c'est de là qu'il le fait rayonner par migrations successives. La figure géo- métrique insérée dans le texte donne de la chose une démonstration fort élégante: une ellipse allongée nous représente assez bien les positions géographiques des différentes nations; à l'un des foyers de cette ellipse se trouve un cercle qui est le noyau primitif, la Bactriane.

Faisons ce que l'auteur appelle ramener les essaims dans leur ruche, et nous verrons cette demeure première partagée entre un certain nombre de tribus et de dialectes qui seront un jour des peuples et des langues. Cet exposé si simple et si lumineux cache cependant de difficiles problèmes. Il est aisé de s'en rendre compte: de combien de façons différentes ne peut-on pas se représenter l'extension de la race? Les hommes de la Bactriane se sont-ils un jour dispersés tous ensemble aux quatre vents des cieux? Se sont- ils scindés en deux branches seulement? en trois branches? En un mot quel arbre généalogique faut-il dresser? La plupart ont cru à une première bi-partition en Asiatiques et Européens. Mais d'autres autorités affirment que les Grecs sont apparentés de plus près aux Hindous qu'aux Germains: voilà donc l'unité européenne rompue.

Enfin une théorie récente nous représente la différenciation des langues sous un autre jour. Elle déclare la guerre à toute espèce d'arbre généalogique. Suivant elle, la famille indo-européenne est toujours restée un tout compact; on doit se représenter à un moment donné le même idiome résonnant du plateau de l'Iran jusqu'au cœur de l'Europe, divisé seulement en une série de dialectes dont les nuances infinies ont pu relier des teintes extrêmes déjà très- divergentes. Ces nuances, en se groupant et en s'égalisant, sont devenues des couleurs tranchées; les dialectes sont devenus des langues. A la notion de parenté il faut substituer partout celle de contiguïté géographique. Or le phénomène que font valoir les partisans de cette théorie, les rapports linguistiques spéciaux des langues contiguës, Pictet l'avait reconnu d'un coup d'œil sûr et défini en termes très clairs dès 1859.

Il y a plus: la conséquence qu'il en tirait n'est pas encore, il est vrai, l'hypothèse actuelle, mais elle a avec elle une étroite })arenté. En admettant des dialectes différents dans le berceau primitif, Pictet rompait avec cette conception où deux peuples se séparant emportent

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