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LES ORIKINES INDO-EUROPEENNKS OU I.E$ ARYAP PRIMITIFS. 397

(luestion, qui enveloppe plus ou moins les autres en elle, que la linguiîstique vient donner la réponse la plus positive.

Quel que soit le mystère où se dérobera peut-être toujours sa genèse, quelques problèmes que soulève déjà la seule notion d'un peuple qui ne se peut plus rattacher à rien, les lumières conver- gentes des dilïérentes langues donnent au point où elles se rencontrent, l'image d'une langue mère si nettement définie qu'il ne peut y avoir qu'une voix à son sujet: c'est la langue d'un peuple. La logique irrésistil^le du fait linguistique, comme aussi l'espèce de paradoxe où il aboutit, ne s'imposent qu'avec une idée juste de la précision qu'atteint la méthode comparative dans ses reconstructions. Bien loin que les éléments communs retrouvés dans toutes les langues de notre famille soient d'informes monosyllabes qui nous feraient entrevoir une époque di; vagissements, ils montrent, jusque dans les moindres détails, une concordance rigoureuse, et l'idiome primitif restitué nous apparaît, tout fossile qu'il est, comme la langue la plus finie et la plus riche de formes, comme un édifice déjà parfait. Une langue est indo-européenne jusqu'au bout, ou ne l'est pas; mais il n'y a point de degrés. Dire, en parlant d'une langue (de celles qui sont connues jusqu'ici) qu'elle se rattache de loin, qu'elle a une certaine affinité avec le type indo-européen, serait une phrase vide de sens, absolument comme si, comparant plusieurs médailles plus ou moins frustes et effacées, mais frappées toutes au même coin, on disait: une telle ne reproduit que de loin le type primitif. On peut aujourd'hui non seulement retrouver la forme première du mot dans son entier, mais dire sur quelle syllabe tombait l'accent, et même suivre les variations de cet accent à chaque cas de la décli- naison. On peut aller jusqu'à des minuties, distinguer par exemple avec une entière certitude la syllabe ya de la double syllabe ia. Le dictionnaire de la langue indo-européenne est depuis longtemps écrit et imprimé.

Le jour où l'on découvrira, sur quelque plateau de l'Asie centrale ou ailleurs, le phénomène inouï d'une langue coïncidant avec les nôtres, seulement dans la partie radicale des mots, ce jour-là l'anti- thèse cessera entre l'irréductibilité des idiomes premiers — <arien, sémitique et autres — et ces contours arrêtés, cet état déjà parfaite- ment adulte que présente pour le moins celui de notre famille.

Pour le moment, contentons-nous du fait qui achève de mettre en relief cette antithè.se, c'est de voir ]v. peuple des Aryas prouvé en tant que peuple et en même temps saisissable encore aujourd'hui

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