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396 LES ORIGINES INDO-EUROPÉENNES OU LES ARYAS PRIMITIFS.

études pouvait, soutenu par le souffle vivifiant qu'on y sentait par- tout, gravir aisément des pentes un peu rocailleuses ])our s'élever avec l'auteur aux grands aperçus qui les dominent.

Faut-il redire le but et la méthode? L'affinité des idiomes a l)rouvé l'unité de sang entre les peuples dont on connaît les types principaux, Hindous, Perses, Bactriens, Arméniens, Lituano-slaves, Germains, Celtes, Italiotes, Hellènes. Un jour cette grande race a dû former un seul peuple dont la terre natale est, suivant toutes les ai)parences, en Asie. Si le même mot se retrouve dans les dif- férentes langues de la famille, il leur vient nécessairement du peuple primitif, et si ce peuple avait le mot, il avait aussi la chose. En recueillant patiemment tous ces indices, on arrivera à retracer assez l>ien le tal)leau de cette époque lointaine et h se faire une idée du développement matériel et intellectuel de la race avant sa dispersion.

Pt)ur bien mesurer la grandeur de l'entreprise et la portée des inductions obtenues par cette voie, il est bon de faire la différence entre le fait des Indo-européens sortis d'une contrée d'Asie pour se déverser sur le grand domaine qui leur était échu et telles invasions historiques dont chacun a les exemples à la mémoire, celle entre autres qui a mis l'Orient entre les mains des Tartares.

Qu'<tn ramène par la pensée toutes les populations turques à leur point de départ, cette première tribu sera, comme toute autre, membre d'une famille plus grande; elle sera un rameau du tronc oural-altaïque. Mais lorsque Pictet nous décrit son peuple des Aryas primitifs, ce peuple parlant un idiome irréductible, c'est-à-dire sans affinité avec un autre idiome, nous contemplons un phénomène extraordinaire; nous nous trouvons d'emblée au seuil des grands problèmes de l'origine du langage et de l'origine des races hu- maines elles-mêmes.

En envisageant de près ce fait d'un peuple race, dont les exemples possibles sont vite comptés dans l'histoire du monde, on en vient alors naturellement h se demander s'il est permis de lui donner une existence si concrète au point de parler de son degré de culture, dé ses moeurs^ de ses institutions, de ses croyances. L'hypothèse de ce peuple est-elle nécessaire? Savons -nous si exacte- ment comment les races naissent, croissent et se ramifient? Et à supposer qu'il ait existé, est- il certain que les données que fournit la comparaison des langues atteignent jusqu'à cette première période, jusqu'à ce berceau même de la famille? C'est à cette dernière

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