Page:Saussure - Recueil des publications scientifiques 1922.djvu/404

Cette page n’a pas encore été corrigée

394 LES ORIGINES INDO-EUROPÉENNES OU LES ARYAS PRIMITIFS.

s'il était bien l'auteur de cette misérable production, et crut devoir l'informer qu'il pensait n'avoir jamais rien lu de si plat.

Mais Pictet ne se contentait pas de réunir en sa personne un écrivain aimable, un philosophe profond, un éminent linguiste, un connaisseur de l'art et des littératures: il poussait en même ternps la carrière militaire jusqu'au grade de colonel fédéral d'artillerie, et dans ce domaine encore, déployait des facultés particulières d'in- vention. Excellent mathématicien, il s'attacha de préférence au problème des fusées de guerre et fut appelé en Italie pour y doter l'artillerie de ce genre d'engin, aujourd'hui abandonné. Pictet ap- porta en outre aux obus à percussion des perfectionnements dont l'Autriche acheta le secret 25,000 fr.

Après son retour à Genève, il publia en 1856 son livre Du Beau dans la nature, l'art et la poésie, qui fut accueilli avec beaucoup d'attention par les juges les plus compétents.

Enfin les Origines indo-européennes (1859 — 63) vinrent couronner cette série d'œuvres si diversement remarquables. Nous réservons pour un autre article l'analyse de cet important ouvrage.

A la demande de la commission topograpli^ue des Gaules in- stituée par Napoléon III, Pictet s'était chargé d'une recherche d'onomastique fluviale sur les cours d'eau de France, pour laquelle il avait recueilli de nombreux matériaux et que la mort est venue interrompre.

Au milieu de travaux si divers, dont nous n'avons énuméré que les plus considérables, il semble que l'on doive renoncer à chercher le fil secret, l'idée commune qui relie généralement tous les produits d'un même esprit. Et cependant, si l'on y regarde de près, on reconnaîtra sans peine que toutes les œuvres de Pictet sont bien nées au foyer de la même pensée.

Il y avait d'abord chez lui la curiosité insatiable, l'amour des explorations neuves et lointaines, aux limites extrêmes du savoir humain. Pictet s'est arrêté devant tous les sphinx et a médité toutes les énigmes. Il n'est pas un de ses livres qui ne plonge par quelque racine dans la région du mystère; tantôt c'est la langue des Druides retrouvée après 2000 ans, ou le déchiffrement d'une de leurs inscriptions; tantôt c'est la recherche psychologique transcendante; tantôt c'est une dissertation — amusante, mais profonde — sur le principe des principes, ou enfin, le tableau reconstitué d'un peuple préhistorique dont tout souvenir semblait à jamais perdu. Il semble

�� �