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tous leurs semblables; crastinus, kestemm, noster, sextus, iste, ostium, posfutnus, niajestas, pusttda, etc.

Il ressort de là que le groupe st n’a jamais été redouté de la langue latine. Partout où on peut dire à coup sûr qu’il a existé, il existe encore. Il devient par conséquent inexplicable que la trans- formation de tt^ ne se soit pas arrêtée à l’étage supposé st; et, pour choisir un exemple caractéristique, que *pastus de patior soit devenu passas quand pastiis de pascor demeurait tel quel.

Et pourquoi ne trouvet-on pas, dans les racines où la dentale est précédée de r, des formes comme vestus (de verto), mostus (de mordeo)? Ce serait logique puisqu’on admet les intermédiaires

  • verstns, *morstus, et que les formes toutes semblables mais chez

lesquelles la sifflante est assurée *torstus, *t€rsta, Herstis, *pors{c)tulo sont devenues tostus, testa, testis, postulo. — Les formes réellement existantes versus, morsus, orsus, arsus sont, on le voit, en contradiction avec l’hypothèse d’un degré intermédiaire st.

Des deux dentales qui se trouvaient en conflit ce n’est donc pas celle qui appartient à la racine qui a pu se transformer avant l’autre en sifflante. Il ne reste qu’une seule supposition à faire, c’est que ce doit être celle du suffixe.

Ainsi nous comprendrions le changement de dt, U en ss comme résultant d’une assimilation régressive et non progressive. Le groupe tt serait d’abord devenu ts, et de là ss, comme on a esse pour

  • etse, *edse^.

Il n’est pas étonnant que nous n’ayons conservé aucune trace du degré ts, cette combinaison consonantique étant des plus instables et n’ayant subsisté nulle part dans la langue.

Le changement du t suffixal en s a-t-il du moins des analogies en latin ? Il en a de très directes si l’on admet que le suffixe commençait primitivement par t dans des mots comme vec-so (vexo), cp. vecto ; fluc-sus, cp. fluc-tus, ce qui est fort possible en effet. Un cas certain est lapsus pour *labtus. Peut-être aussi ipse est-il pour *ipte.

Des analogies plus éloignées, en ce sens que le t s’y trouve précédé d’une liquide ou d’une nasale, sont en revanche très-nombreuses : cursus, vulsus, pulsus, celsus, mansum, etc. De même *formontus est devenu formonsus (et de là formosus, formossus). C’est

1. tt comprend aussi d-t, lequel est devenu d’abord tt.

2. Au tome 1" de ces Mémoires, p. 169, M. Bréal, partant de passus, établit, comme je vois, la série des formes *pand-tus, *pand-sus, pan-sus, passus. L’auteur admettait donc depuis longtemps l’explication que je propose ci-dessus.