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21. màn-eo répond quant à la forme au skr. niânjate «penser, juger bon» avec lequel il a dans tous les cas la racine en commun. M. Curtius pense que l’idée de tarder est née de l’idée de réfléchir. {Grdz.^, p. 101). Il est vrai que le skr. a un autre verbe (mamanti) dont le sens est beaucoup plus près de celui de maneo. — Le grec |aa{vo|iai s’écarte pour le sens et pour la forme de notre verbe maneo, enfin le parfait de |névu), |ue|uévriKa, semble indiquer que maneo est un verbe en -aja-.

Dans l’hypothèse où maneo = manjafe, la forme moyenne du verbe sanscrit n’étant pas essentielle pour le sens, il faudra placer cet exemple dans la 1" série.

22. ^fèneo = (paivo|Liai. On peut supposer ce verbe d’après fenesira qui serait pour fenent-tra. qpaivuu a le sens neutre comme le sens actif, et il est vraisemblable que ce dernier n’est pas le primitif.

La comparaison de fenesira avec x^iveiv aurait moins de probabilité.

Nous réservons pour la suite ce qu’il reste à énumérer. — Ce passage de verbes en -ja à la conjugaison en -eo doit venir de la vocalisation du jod en e, ainsi que l’admet M. Grassmann. On sait que ce phénomène est assez fréquent en grec. (Curtius, Grdz}, p. 592 seq.) Comme dans cette dernière langue, ce n’est sans doute que devant une voyelle qu’il aura pu s’accomplir. En outre le latin aura passé par l’intermédiaire de Vi voyelle pour arriver du jod à l’e, et ce n’est que devant a, o, u qu’en général le phénomène aura eu lieu. Mais lorsque la 1® pers. sing. et la 3® plur. du prés. ind. avec tout le subjonctif furent ainsi transformés, l’analogie eut bientôt fait le reste. Il existe peut-être un exemple où la transition peut se suivre historiquement, savoir le verbe fateor qui apparaît dans la loi des 12 Tables sous la forme fatiatur (ni testimonium fatiatur; c’est ainsi qu’on lit à la place de fariatur qui n’a pas de sens). — Ce changement phonétique est du reste assuré en latin par un assez grand nombre d’exemples. V. Corssen 11^ 338 seq. Ainsi on a eunt pour iunt ou jiint; et dans la langue populaire, même ancienne, toute une série de formes telles que fiîeai =flUai, percipeat = percipiat. Dans la langue littéraire on pourrait encore citer solea = vXioL, got. sulja. On peut comparer jusqu’à un certain point ohex pour *ohjex et benejîcentior pour %eneficientior.

La transformation aurait eu lieu, dans notre hypothèse, lorsque la syllabe -ja était accentuée, c’est-à-dire toutes les fois que le