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liquides sonantes du parfait.

En arrivant aux racines de la forme B nous pouvons tout de suite mettre le gotique en regard de l’indien :

bhaugh : skr. bu-bhuģ-imá got. bug-um

et avec  :

vart : skr. va-vr̥t-imá got. vaurþ-um

Cf. got. baug = bubhóģa, varþ = vavárta.

En grec la forme du singulier a peu à peu empiété sur celle du pluriel ; dans les quelques restes de la formation primitive du pluriel actif (Curtius, Verb. II 169) nous trouvons encore ἐπέπιθμεν en regard de πέποιθα, ἔϊκτον en regard de ἔοικα, mais le hasard veut qu’aucun cas de n’ait subsisté[1]. Le moyen du moins s’est mieux conservé :

Racines de la forme A :

σπερ : ἔ-σπαρ-ται περ : πε-παρ-μένος
δερ : δε-δαρ-μένος στελ : ἔ-σταλ-μαι
ϕθερ : ἔ-ϕθαρ-μαι, cf. ἔ-ϕθορ-α
μερ : εἵ-μαρ-ται, et ἔ-μβρα-ται Hes. – cf. ἔ-μμορ-α

Il est superflu de faire remarquer encore ici que ἔ-ϕθαρ-μαι est à ϕθερ ce que ἔ-σσυ-μαι est à σευ.

Les langues italiques ont trop uniformisé la flexion verbale pour qu’on puisse s’attendre à retrouver chez elles l’alternance des formes faibles et des formes fortes. Mais il est fort possible que les doublets comme vertovorto proviennent de cette source. On ne doit pas attacher beaucoup d’importance à pepuli de pello, perculi de percello ; il y a peut-être là le même affaiblissement de la voyelle radicale que dans detineo, colligo, avec cette différence que l’influence du l aurait déterminé la teinte u au lieu d’i.

L’ombrien possède, en regard de l’impératif kuvertu, le futur antérieur vurtus – prononcé sans doute vortus – formé sur le thème faible du parfait. Sur les tables en écriture latine on a covertu et covortus. Si l’on était certain que covortuso fût un

    hypothèse, et l’α du grec γεγήθαμεν n’y répugne pas, bien qu’il s’explique plus probablement par la contamination du singulier γέγηθα et de la 3e p. du plur. γεγήθασι ; qu’on compare enfin le latin -imus dans tulimus. – Dans cette question il faut considérer aussi les parfaits indiens comme sedimá, gotiques tels que sētum, et latins tels que sēdimus qui sont reconnus pour contenir la racine redoublée et dénuée de voyelle. Ainsi sedimá = *sa-zd-imá. Il va sans dire que la même analyse phonétique ne serait pas applicable à chacune de ces formes: la formation s’est généralisée par analogie.

  1. τέ-τλᾰ-μεν vient de la rac. τλᾱ comme ἕστᾰμεν de στᾱ ; son λα ne remonte pas à une liquide sonante.