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Je ne ferai jamais comme ces fils altiers
Qui, de parents obscurs insolents héritiers,
Ne sauraient, disent-ils, en être responsables.
Je ne chercherai point des excuses semblables ;
Et si du temps passé recommençant le cours,
L’homme pouvait changer les auteurs de ses jours,
Quoiqu’on en vît beaucoup prendre un nom plus illustre,
Moi, content de mon sort, et fuyant un vain lustre,
Ce n’est point sous la pourpre et dans les plus hauts rangs
Que je voudrais aller me choisir des parents.
Le vulgaire pourrait me taxer de démence ;
Mais vous m’approuveriez, vous, d’avoir la prudence
De ne me point charger d’un trop pesant fardeau.
Que ferais-je en effet dans cet état nouveau ?
Il me faudrait chercher une maison plus vaste ;
Saluer plus de gens, étaler plus de faste ;
Ne jamais voyager, n’aller en aucuns lieux,
Sans traîner à ma suite un cortège ennuyeux ;
Avoir plus de chevaux, d’équipages, d’esclaves,
Et sans cesse et partout vivre dans des entraves.
Aujourd’hui je n’ai point ce pompeux embarras ;
Je peux, quand il me plaît, marchant au petit pas,
L’aiguillon dans les flancs de ma mule indolente,
Un lourd paquet en croupe, aller jusqu’à Tarente ;
Et cela, Tillius, sans que, glosant sur moi,
On puisse me blâmer comme on se rit de toi,
Lorsque vers Tivoli te suivant en voyage,
Cinq laquais efflanqués, ton unique équipage,
Pour la provision d’un sénateur romain,
Emportent sur leur dos l’œnophore et le pain.