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Aborde ici : tu fais entrer tout l’univers :
Holà donc ! il mettra la nacelle à l’envers.
Pendant qu’on fait payer, que la mule s’attelle,
L’heure entière s’écoule. On part. Ô nuit cruelle !
Des joncs marécageux les rauques habitans,
Les insectes ailés, citoyens des étangs,
Tout s’unit contre nous, tandis que dans l’ivresse,
Marins et passagers célèbrent leur maîtresse.
Enfin le voyageur s’assoupit et s’endort.
Le patron en profite. Il approche du bord,
Et dans le pré voisin laissant errer sa mule,
Se couche sur le dos et ronfle sans scrupule.
Il allait être jour, quand chacun tout confus
Remarque en s’éveillant que l’on n’avance plus.
Aussitôt le plus prompt, le plus vif de la troupe,
De colère enflammé, saute de la chaloupe,
Et, courant sur la mule et sur le muletier,
D’un saule que son bras fait à peine plier,
Leur frotte tour à tour et les reins et la tête.
À dix heures enfin au rivage on s’arrête,
Et chacun sur ses mains, de tes limpides eaux,
Chaste Féronia, court épancher les flots.
Munis d’un déjeuner, mais un peu moins agiles,
Nous nous traînons encor l’espace de trois miles,
Et gravissons ce roc, formé d’un marbre pur,
Dont la blancheur de loin fait reconnaître Anxur.
C’était là que, chargés d’importantes affaires,
Pour réconcilier deux nobles adversaires,
Ministère agréable à des esprits si doux,
Mécène et Coccéïus devaient se joindre à nous.