Page:Satires d'Horace et de Perse.djvu/173

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Vous verrez en effet cette mère insensée,
Le plongeant de ses mains dans une onde glacée,
Pour tenir son serment, lui rendre le frisson.
Pourquoi ? Le fanatisme a troublé sa raison.
Voilà par quels discours notre huitième sage,
Afin de me venger de tout injuste outrage,
Mettait à son ami les armes à la main.
Aussi que désormais le railleur le plus fin,
M’accusant de folie, à mes dépens s’égaye,
Je saurai le payer de la même monnaie :
— Puissiez-vous, Damasippe, après votre malheur,
Vendre tout désormais à sa triple valeur !
Mais puisque, selon vous, chacun a son délire,
Quel est le mien, à moi ? Pourriez-vous me le dire ?
Car je ne croyais pas être au nombre des fous.
— Agave le croyait tout aussi peu que vous,
Même, quand dispersant les lambeaux de Penthée,
Elle tenait en main sa tête ensanglantée.
— À vos raisonnemens je ne résiste plus,
Et c’est argumenter trop longtemps là-dessus :
Je suis fou, j’en conviens, et plus que fou peut-être ;
Mais, ma folie enfin, je voudrais la connaître.
— D’abord vous bâtissez : vous faites le géant,
Vous, haut d’une coudée, et d’un air important,
Vous riez, quand Turbon, plein d’une ardeur guerrière,
Affecte, fier Pygmée, une attitude altière.
Cependant êtes-vous moins risible que lui,
Vous qui singez en tout Mécène votre appui,
Et qu’on voit si souvent oublier la distance
Qu’ont laissée entre vous le rang et la naissance ?