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L’homme sobre, au contraire, après un court repas,
Qui dans la nuit du moins ne l’incommode pas,
Dort bien, et le matin, plein d’une ardeur nouvelle,
Peut retourner au poste où le devoir l’appelle.
Non que, se refusant tout passe-tems joyeux,
Le sage quelquefois ne se traite un peu mieux ;
Soit qu’un antique usage, à la fin de l’année,
D’un banquet solennel ramène la journée ;
Soit qu’une maladie exige plus de soins ;
Ou qu’enfin avec l’âge amenant les besoins,
La vieillesse, souvent d’infirmités suivie,
Doive se ménager au déclin de la vie.
Mais toi, qui jeune encore et brillant de santé,
Au sein de l’abondance et dans la volupté,
Ne rougis pas de vivre avec tant de mollesse,
Que feras-tu de plus aux jours de la vieillesse ?
Nos aïeux estimaient un jambon déjà vieux.
Etait-ce mauvais goût ? non : mais ils aimaient mieux,
Quand le soir au village un convive agréable,
Venait leur demander une place à leur table,
Pouvoir le lui servir un tant soit peu gâté,
Que de le manger seuls dans toute sa bonté.
Plût au ciel que la terre, encor dans l’innocence,
Au temps de ces héros eût marqué ma naissance !
Du jugement public respectes-tu la voix ?
Cette voix dont en vain nul ne brave les droits,
Et de qui l’harmonie aux plus beaux vers pareille,
Flatte si doucement et le cœur et l’oreille ?
Ces immenses bassins, ces monstrueux turbots,
Amènent l’infamie, attirent tous les maux.