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des, et la renommée du jeune critique ne faisait que croître. « La veine était si franche, la source si vive, si jaillissante, si limpide jusque dans son trouble ! Elle laissait si clairement transparaître l’ondoyante agitation et les replis secrets d’une curiosité ardente à se répandre, à voir, à comprendre, à jouir et en même temps déconcertée parfois et comme désenchantée, parce qu’elle avait vu et compris, hardie et pleine de scrupules, heureuse et inquiète[1]. »

En dépit de son éducation classique et de ses liens récents avec l’Université, Jules Lemaître ne se crut pas tenu, comme ses confrères, de continuer dans sa carrière de publiciste la culture des classiques et d’en révéler une fois de plus à ses contemporains les mérites incontestés. Si au cours de ses feuilletons dramatiques il eut l’occasion de parler maintes fois de Molière, de Corneille, de Racine et de quelques autres, ce fut avec un moindre enthousiasme qu’à étudier les œuvres des récents écrivains. Pour Racine certes il montra toujours un culte fervent et dans sa prose de feuillettoniste il confirma le goût intime qu’un sonnet de ses Médaillons nous avait accusé pour l’auteur de Phèdre, mais à l’égard de Corneille il en usa avec quelque sans façon, déclarant un jour aux lecteurs de son feuilleton qu’il fallait « un courage presque cornélien pour s’enfermer

  1. Gréard : Réponse à M. J. Lemaître pour sa réception à l’Académie française.