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PREMIÈRE PARTIE

sentais enfin le corps de mon ami foudroyé par un obus. Je savais, je savais. Mais que restait-il de lui ? Qu’avait épargné l’obus ? La tête ? Voilà que j’ai la force aussi d’écrire que j’essayai de me représenter la tête broyée de mon ami, la chère tête au front si haut, la tête… Ah ! je n’ai pas la force, je n’ai pas le courage de continuer.

Il faut pourtant que je continue. Je n’étais pas au bout de ma peine. Quand je revins d’Allemagne après l’armistice, une autre douleur m’attendait.

Marthe fut la première personne que je revis. Elle vint au-devant de moi, maigre dans sa robe noire, les yeux battus. Nous nous embrassâmes. Le visage sur mon épaule, elle pleu-