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LE CHÈVREFEUILLE

Cependant j’avais le droit de souffler un peu. La tête légère, me semblait-il, comme une balle de sureau, les paupières de plomb, la bouche amère, les membres gourds, j’allumai une cigarette pour ne pas m’endormir. Puis je décachetai la lettre de Marthe, pour le même motif, sans aucune curiosité. Et puis, et puis j’aime mieux te le dire franchement : je ne lus pas la lettre de Marthe, je la remis dans ma poche, et, tout harassé, et cinglé à la fois par la résolution que je prenais, je me levai, je sortis du fort. Une ardeur soudaine m’animait. Fuir ! fuir ! Fuir tout, la guerre et Marthe, me sauver de ces deux enfers, m’évader, être libre, libre ! Et je me remis à courir, tournant le dos à Douaumont, où mes camarades et