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LE CHÈVREFEUILLE

ma distraction par son habituel : — « À quoi penses-tu ? » Mais elle y mettait une âpreté sans merci. Et je rejoignais le bataillon, où la vie n’était pas drôle, comme j’aurais gagné un refuge.

» C’est affreux, ce que je te dis là. Je le sais. Mais songe que, pendant toute une année de guerre, durant toute une année de corvées humiliantes, d’insomnies, de crasse, de mauvaise nourriture, de pluie et de boue, de soleil et de sueur, de résignations quotidiennes, et d’incessants dangers dont je ne parle pas, durant toute une année où je sentais que je m’épuisais physiquement, j’ai porté en secret cette douleur d’être le jouet d’un amour qui me dominait à jamais.