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donné aussi les moyens d’en mûrir quelques-unes, ce que je n’aurais jamais pu faire, si j’étais demeuré pauvre et obscur. Son esprit pénétrant a deviné, à première vue, qu’il y avait en nous quelque chose de plus solide et de plus vrai que chez ces braillards de l’hôtel de Bourgogne qui tenaient le sceptre du théâtre. Sans l’arrêt de son goût, qui faisait déjà loi en France, nous n’eussions point ressuscité avec éclat, comme nous l’avons fait, l’ancienne, la vraie, la bonne comédie, celle qui reprend les vices du siècle et corrige les hommes de leurs travers. J’ai donc une reconnaissance très-profonde pour l’homme qui m’a aidé à dire beaucoup de vérités utiles, et dont la main puissante a tenu le fouet dont j’ai fustigé les turpitudes des grands de la terre. Cet homme m’a plusieurs fois ouvert naïvement son cœur ; il m’a demandé des conseils, et il les a suivis ; il m’en a donné, et ils étaient bons à suivre. Il m’a vengé de l’impertinence des courtisans, en me faisant manger avec lui, tête à tête, en face d’eux tous, debout et consternés. — Je ne suis point né ingrat et ne puis me changer là-dessus à l’âge que j’ai !… Eh bien, il est vrai que j’ai eu des sujets de plainte, et que j’ai vu des taches dans le soleil ; mais je n’ai pas le droit de les faire remarquer aux autres, et mon tempérament fidèle me porte à pardonner le tort que me peuvent faire quelquefois ceux qui m’ont obligé souvent.

BRÉCOURT.

Ah ! Molière, c’est de toi qu’on peut dire que l’homme est encore supérieur à l’écrivain.

BARON, lui pressant la main.

Mon père !

PIERRETTE, s’essuyant les yeux.

Tout ce que monsieur dit du roi et de lui, ça me tire toujours des larmes, parce que c’est toute mon histoire avec monsieur !

MOLIÈRE.

Ah çà ! mes amis, c’est assez discouru. C’est demain qu’il faut donner le Tartufe, puisque nous l’avions annoncé.