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Il n’était pas facile de causer sur une pente si roide ; mais, quand nous eûmes gagné un joli coin herbu, en vue de la mer, sous les cytises, nous nous arrêtâmes, et la Florade me parla ainsi :

— J’aime autant vous dire tout. Vous êtes un homme sérieux, vous serez discret, et puis vous me donnerez un bon conseil. J’en ai besoin. Je ne suis pas l’amant de la personne que vous avez vue, et je ne le serai pas, je vous en donne ma parole d’honneur. Si je l’avais rencontrée dans son pays, je ne me serais pas fait grand scrupule d’être le premier ami d’une fille de seize ans. À cet âge-là, les femmes de l’Orient d’une certaine classe savent fort bien ce qu’elles font, et comptent pour l’avenir sur une succession plus ou moins florissante d’amis de passage. L’opinion n’est pas sévère pour elles, car elles trouvent fort bien à se marier dans leur race, surtout quand elles ont mis de côté quelque argent.

» J’aurais donc pu aimer Nama sans avoir de grave reproche à me faire ; mais je n’aurais pas fait la sottise de l’enlever à son milieu pour la transplanter dans le mien, comme M. Roque a enlevé la mère de Nama à un riche musulman en voyage pour la transplanter dans sa triste bastide ; on ne peut pas s’attacher à ces femmes déclassées et dépaysées qui sont vieilles à vingt ans, et qui, n’ayant rien de commun avec nous dans l’esprit et dans les habitudes, ne sont ni des compagnes ni des servantes.