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Paris aurait pu tenir plus longtemps se trompent et trompent les autres. Au moment où j’écris ces lignes, bien que la capitulation date d’une semaine, il n’y a pas encore de quoi manger à sa faim, et on ne peut obtenir par jour que trois cents grammes d’un pain fait de vingt pour cent de farine et le reste d’avoine, de vesces moulues et de paille. Si par suite d’un accident de chemin de fer, le blé qu’on attend est retardé, ou si en conséquence des nouvelles de Bordeaux et de la proclamation insensée de Gambetta les Prussiens dénoncent l’armistice, comme nous en sommes menacés ce matin, nous mourrons tous de faim. Voilà la vérité vraie !

Est-ce donc que pendant ces quatre mois et demi, Paris a fait tout ce qu’il aurait pu faire ? Non, mille fois non ! !

La résignation, l’abnégation, le patriotisme des citoyens, des classes moyennes surtout, est au-dessus de tout éloge. Mais il y avait à l’état latent des facultés, une aptitude, dont le gouvernement n’a pas su tirer parti. Le général Trochu, et ceux qui agissaient sous ses ordres, n’ont pas eu l’énergie et la force morale nécessaire pour donner de la cohésion et imposer une discipline sévère, indispensable, aux troupes improvisées, et rendre le courage, inculquer le respect des autres et de soi-même aux soldats de l’armée régulière. Aussi ne vous imaginez pas que la ville assiégée avait dans ses murs ce qu’on appelle une armée. C’était un rassemblement d’hommes dont la moitié voulait se battre et ne savait pas comment, tandis que l’autre moitié n’était composée que de braillards, — pour ne pas dire plus !

La moitié vaillante cependant, renforcée des seize mille héroïques marins, et du contingent fourni par les gendarmes, les anciens sergents de ville et les douaniers, commandée par un Davout, aurait pu, après le premier mois, empêcher les Prussiens d’établir leurs