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la terre, aussi nets en moi et aussi poignants dans leur détail que l’aspect de cette terre nouvelle était vague et mélancolique, m’arrachèrent des larmes qui tombèrent sur cette mousse luxuriante, et je la touchai pour m’assurer qu’elle était presque semblable à celle qui croît sur les parois de nos roches et sur le tronc de nos arbres.

La belle fille m’observait, et ses yeux s’arrêtant où s’arrêtaient les miens, elle me dit en prenant mes mains glacées :

— Pourquoi la vue de cette petite plante me donne-t-elle aussi envie de pleurer ?

— Jeanne, lui dis-je, regardez bien et souvenez-vous.

— Je m’appelle Nata, dit-elle, et pourtant le nom que vous me donnez caresse mon oreille comme un son plaintif déjà entendu ailleurs. Je regarde ces plantes, et mon imagination les anime de je ne sais quelle vie. L’humidité de la nuit les gonfle encore et développe leurs fines découpures ; leurs tons veloutés me semblent plus beaux que de coutume et il me vient au bord des lèvres je ne sais quelles paroles enfantines.