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Savoir les choses en gros et vaguement, c’est ne pas les savoir. Aucun journal n’est arrivé au pays, pas même la Patrie.

Le Pays, que j’ai lu à Paris mercredi, ne paraît déjà plus, puisque je ne l’ai pas reçu, ou bien on ne lui permet pas d’aller en province.

Leblanc a écrit qu’on s’était battu sérieusement jeudi dans la journée. Les lettres reçues à la Châtre disent qu’il y a eu beaucoup de morts et plus de bourgeois que d’hommes du peuple. On a lu je ne sais quelle proclamation ; les gens de la Châtre rient et applaudissent parce qu’on leur dit que les rouges sont enfoncés et les rouges n’ont pas donné ; sans le savoir, j’en jurerais, le peuple a refusé le combat.

Lumet et vingt autres d’Issoudun ont été arrêtés pour avoir, dit-on, empêché les ouvriers d’aller aux vignes. Une femme d’Issoudun, que j’ai vue aujourd’hui, l’a vu passer dans une voiture entre deux gendarmes le pistolet au poing. On dit qu’on les envoie hors du pays. On a peur, on tue, on violente, on empoigne, on menace. Quelle manière de saisir les destinées d’un pays ! quelle heureuse inspiration pour sauver la France !