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de soleil et de poussière. Peut-être aussi commençait-il à s’ennuyer de son voyage solitaire, et la société d’un homme d’esprit l’avait-elle disposé à la joie : il devint communicatif.

Il est fort rare qu’un homme parle de lui-même sans dire bientôt quelque impertinence : aussi le comte, qu’une certaine malice contractée dans le commerce du monde abandonnait rarement, s’attendait-il à chaque instant à découvrir dans son compagnon ce levain d’égoïsme et de fatuité que nous avons tous au-dessous de l’épiderme. Il fut surpris d’avoir longtemps attendu inutilement ; il essaya de flatter toutes les idées du jeune homme pour trouver enfin un ridicule, et il n’y parvint pas, ce qui le ^piqua un peu, car il n’était pas habitué à déployer en vain les finesses gracieuses de sa pénétration.

— Monsieur, dit le Genevois dans le cours de la conversation, pouvez-vous me dire si lady Mowbray est en ce moment à Florence ?

— Lady Mowbray ? dit Buondelmonte avec un léger tressaillement. Oui, monsieur, elle doit être de retour de Naples.

— Elle passe tous les hivers à Florence ?

— Oui, monsieur, depuis bien des années. Vous connaissez lady Mowbray ?

— Non, mais j’ai un vif désir de la connaître.

— Ah !

— Est-ce que cela vous surprend, monsieur ? On dit que c’est la femme la plus aimable de l’Europe.

— Oui, monsieur, et la meilleure. Vous en avez beaucoup entendu parler, à ce que je vois ?

— J’ai passé une partie de la saison dernière aux eaux d’Aix ; lady Mowbray venait d’en partir, et il n’était question que d’elle. Combien j’ai regretté d’être arrivé si tard ! J’aurais adoré cette femme-là.