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randa rendit la boîte à M. Spada, qui se retira en la remerciant et en la suppliant d’emmener au plus vite sa fille loin de Venise.

Cette résolution lui coûtait beaucoup à prendre ; car avec elle il perdait l’espoir de la soie blanche et il retrouvait la crainte d’avoir à payer ses deux mille doges. C’est ainsi que, suivant un vieille tradition, il appelait ses sequins, parce que leur effigie représente le doge de Venise à genoux devant saint Marc. Doze a Zinoccliion est encore pour le peuple synonyme de sequins de la République. Cette monnaie, qui mériterait par son ancienneté de trouver place dans les musées et dans les cabinets, a encore cours à Venise, et les Orientaux la reçoivent de préférence à toute autre, parce qu’elle est d’un or très-pur.

Néanmoins, Abul-Amet, à sa prière, se montra d’autant plus miséricordieux qu’il n’avait jamais songé à le rançonner ; mais, comme le vieux fourbe avait voulu couper l’herbe sous le pied à son généreux créancier en s’emparant de la soie blanche en secret, Timothée trouva que c’était justice de faire faire cette acquisition à son maître sans y associer M. Spada. Assem, l’armateur smyrniote, s’en trouva bien ; car Abul lui en donna mille sequins de plus qu’il n’en espérait, et M. Spada reprocha souvent à sa femme de lui avoir fait, par sa fureur, un tort irréparable ; mais il se taisait bien vite lorsque la virago, pour toute réponse, serrait le poing d’un air expressif, et il se consolait un peu de ses angoisses de tout genre avec l’espérance de ne payer ses chers et précieux doges, ses dattes succulentes, comme il les appelait, qu’à la fin de l’année.

Veneranda et Mattea quittèrent Venise ; mais cette prétendue retraite, où la captive devait être soustraite au voisinage de Tenn^mi, n’était autre que la jolie île