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qu’il regarde comme un zéro, que pense, à l’heure où nous sommes, le romanesque et mélancolique Amédée.

— Affreuse Nathalie ! dit Éveline en voulant quitter la fenêtre, oserais-tu prétendre aussi que notre belle-mère…?

— Tais-toi et regarde, dit Nathalie en la ramenant et en la forçant de s’avancer avec elle sur le balcon.




V


— Que veux-tu que je regarde ? dit Éveline cédant à un mouvement de curiosité irrésistible.

— Rien, répondit Nathalie ; cette lune blafarde qui court comme une folle dans les nuages !

Puis, fermant derrière elle le lourd rideau qui devait empêcher leur lumière d’être vue au dehors, elle baissa la voix :

— Parle tout bas, dit-elle, et regarde la fenêtre d’Amédée.

— Elle est fermée, le rideau de mousseline cache seul les vitres. Mais je distingue le globe lumineux de sa lampe.

— Tu crois qu’il est là, qu’il travaille, qu’il ne pense qu’à supputer le nombre des bestiaux vendus dans l’année, et à enregistrer celui des gerbes de blé rentrées dans nos greniers à la moisson dernière ?

— Eh bien ?

— Amédée n’est pas dans sa chambre, il n’est pas dans son pavillon ; seulement, il laisse sa lampe allumée pour nous faire croire qu’il y fait des chiffres. Si le massif de sapins ne nous masquait pas sa porte, tu verrais qu’elle est ouverte.